Je parlais l’autre jour avec une étudiante espagnole en quatrième année de biochimie. « Et tu fais de l’anglais dans tes études ?», lui demandai-je. « En fait » répondit-elle, « on n’a pas de cours, mais pour avoir notre diplôme universitaire il nous faut réussir le B1 »

Réussir le B1 ?

J’ai beau essayé d’expliquer à cette étudiante que le terme « B1 » correspondait à un niveau d’anglais défini par un cadre européen commun de référence pour les langues ; qu’il était lié à des capacités communicatives, à la performance active dans la langue, au savoir faire plutôt qu’au savoir tout court, rien n’y faisait. « Oui d’accord », dit-elle, « mais pour nous il faut qu’on réussisse le test ».

Voilà comment l’industrie de l’éducation et le marketing des grandes sociétés de production et d’administration de tests ont très vite détourné la fonction essentielle d’un beau projet (le CECR) pour en faire, pour la première, un simple outil de notation et pour la deuxième une manne financière.

Comme disaient ses fondateurs, le CECR « a été conçu dans l’objectif de fournir une base transparente, cohérente et aussi exhaustive que possible pour l’élaboration de programmes de langues, de lignes directrices pour les curriculums, de matériels d’enseignement et d’apprentissage, ainsi que pour l’évaluation des compétences en langues étrangères » (voir : https://www.coe.int/fr/web/common-european-framework-reference-languages)

Il semble que nous avons déjà oublié les trois premières raisons pour sa création, en laissant se développer la maladie chronique de la « testite ».

 

Evidemment il faut évaluer. Pour le formateur, c’est important de savoir que son approche a été efficace. C’est également important pour la motivation de l’apprenant. Mais comment évaluer ? avec quels outils ? dans quel but ? Comment éviter que l'évaluation elle-même devient l'objectif principal de la formation ?

Prenons comme exemple du dérive actuel le test le plus utilisé dans le monde pour évaluer le « niveau » d’anglais : le TOEIC.

Conçu et géré par un groupe américain, ETS, ce test à 7 million d’exemplaires par an est le favori des institutions et des entreprises françaises. ETS est censé être une organisation à but non lucratif, mais à environ 120€ par test – elle administre aussi le TOEFL, les SATs et une dizaine d’autres examens – il faut une calculette plus performante que la mienne pour calculer son chiffre d’affaires.

Mais ce n’est pas en soi la raison principale de notre antipathie. Nous en avons 3 plus importantes :

Il teste les connaissances plutôt que les aptitudes, et donc les capacités d’apprentissage plutôt que d’acquisition

Sa fiabilité est gravement compromise car il ne tient pas compte de l’état d’esprit de l’apprenant, des conditions du test, du niveau de concentration pendant l’épreuve (2h30 !!), ainsi que pleins d’autres facteurs psychologiques et humains.

Il encourage l’apprentissage du test lui-même, plutôt que de la langue. Les stages de préparation au TOEIC, véritable aubaine financière pour certains centres de formation, sont l’exemple type du monde à l’envers, du « tail wagging the dog ».

Nous reviendrons sur ce thème dans nos prochains blogs